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Qu’est-ce que le triangle de l’inaction ?

Ou pourquoi, malgré l'urgence climatique, les choses changent si lentement ?

La crise climatique, pour être enrayée, exige une mobilisation générale. Reste pour cela à éviter un danger : penser que la responsabilité d’agir incombe d’abord aux autres. Des stratégies existent pour déjouer ce piège, et combiner actions individuelles et collectives.

Intensification des inondations et des sécheresses, multiplication des mégafeux, érosion ultra-rapide de la biodiversité, hausse du niveau des mers… L’actualité nous le rappelle quasi quotidiennement : la crise climatique est intense, et si l’humanité veut l’atténuer, il faut agir maintenant. Pourtant, si la transition écologique a bel et bien débuté, elle est encore beaucoup trop lente, alertent les scientifiques. En effet, nos sociétés contemporaines ne changent pas assez rapidement et radicalement leurs fonctionnements et leurs habitudes pour espérer limiter les dégâts, et atteindre l’objectif historique signé à Paris en 2015 : limiter le changement climatique à 2°C maximum d’ici la fin de ce XXIe siècle.

Mais alors… à qui la faute ? A qui, en somme, revient prioritairement la responsabilité d’agir ?, est-on tenté.es de se demander. Le risque est grand, ici, de se dire que celui qui doit faire quelque chose… c’est d’abord l’autre. Soit parce qu’il est l’acteur le plus nombreux (les citoyen•nes), soit parce c’est celui qui anime l’économie (l’entreprise), soit enfin parce que c’est lui qui fait la loi (l’Etat). Un raisonnement en forme de piège, bien identifié par les acteurs de la transition écologique, et qui a d’ailleurs un nom : c’est le triangle de l’inaction.

Origine

Le triangle de l’inaction a été conceptualisé et formalisé par un Français, Pierre Peyretou, spécialiste de l’économie bas-carbone et professeur affilié à l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP). Son schéma, synthétique et aisé à lire, est rapidement devenu populaire pour expliciter comment se met en place concrètement l’évitement des responsabilités face à l’urgence climatique.

Le triangle de l’inaction montre donc comment les trois grands acteurs de la société se rejettent mutuellement la responsabilité de l’action en matière de lutte contre le changement climatique, avec pour conséquence… l’inaction de tous. À chaque pointe du triangle figure un acteur, et sur les côtés du triangle sont indiqués les raisons pour lesquelles chaque acteur considère que c’est aux deux autres d’agir. Le drame ? 
Chacun se renvoyant la balle, personne n’agit in fine, ou du moins pas assez, et les chances d’atténuer la crise climatique diminuent.

Qu’est-ce que le triangle de l’inaction ?

Les acteurs du triangle de l’inaction et leur logique

Les individus

"Les citoyen•nes se disent souvent : 'Je suis qu'une seule personne, qu'est-ce que je peux faire face aux grandes entreprises et aux politiques ?'"

Certes, arguent-ils, ils sont les plus nombreux, mais les entreprises ont le pouvoir économique et l’État celui politique. Un raisonnement ainsi décrit dans le schéma de Pierre Peyretou :

- « les industriels et les lobbys ont le pouvoir d’action et ils freinent au maximum les initiatives écologiques »,

- « les politiques défendent peu l’intérêt général, ils sont souvent là pour leur intérêt personnel ».


Les entreprises

Les acteurs économiques, quant à eux, jugent que les individus (par leurs choix de consommation) et l’État (par sa réglementation) sont les premiers responsables. À eux reviendrait la tâche de changer les règles du jeu :

- « C’est au consommateur de faire les choix, nous fournissons ce qu’il demande »,

- « C’est à l’État de fixer les nouvelles règles : si notre entreprise bouge avant nos concurrents, nous perdrons de l’argent ».


. L’État / les pouvoirs publics

L’État et ses représentants complètent le triangle de l’inaction. Ils plaident qu’ils ne peuvent pas agir sans la bonne volonté des autres acteurs, et que la transition écologique dépend fondamentalement des citoyens et des entreprises :

- « Les vraies ressources sont aux mains des entreprises, l’État n’a pas les moyens de tout faire »,

- « On a les politiques que l’on mérite : c’est d’abord aux citoyens de voter pour les politiques qu’ils désirent ».

Comment dépasser le triangle de l’inaction ?

Le triangle de l’inaction n’est pas une fatalité. La preuve : une foule de citoyen.nes, d’entreprises et d’élu.es s’investissent déjà activement dans la transition écologique. Les initiatives individuelles et collectives sont de plus en plus nombreuses.

Quand malgré tout le triangle de l’inaction s’installe, reste une bonne nouvelle : des  stratégies existent pour le déjouer, soulignent les promoteurs de la transition écologique. 

L’objectif ? Transformer ce triangle en spirale de changement.

Faire le bilan. Concrètement, il s’agit d’abord de rappeler les faits sur la réalité du dérèglement climatique, pour que chacun.e ait conscience des enjeux. Les données, en la matière, ne manquent pas. On peut par exemple souligner que la température moyenne a déjà augmenté de +1°C au XXe siècle en France ; que la hausse moyenne globale de la température a déjà atteint 1,19°C lors de ces dix dernières années ; ou encore que l’année 2023 a été la plus chaude jamais mesurée sur la planète.

On peut aussi rappeler, et c’est fondamental, qu’on a les cartes en main pour vraiment limiter les dégâts. En somme, qu’il est encore temps de faire quelque chose.

L’empathie

Elle est un préalable pour briser les logiques du triangle de l’inaction. Le principe : s’imaginer soi-même aux autres pointes du triangle pour comprendre le raisonnement des autres acteurs, et ainsi déconstruire les oppositions stériles qui bloquent tout. En se plongeant dans le contexte de l’autre (son environnement, ses objectifs, ses intérêts, ses craintes, ses contraintes financières, etc.), chaque acteur conscientise le processus menant à l’inaction, et c’est utile un premier pas.

L’éducation et la sensibilisation

L’inaction climatique redoute une ennemie bien identifiée : l’éducation. Pour casser notre fameux triangle, la diffusion des connaissances est donc le plus efficace des remèdes. Découvrir le cycle de vie des biens que l’on produit ou que l’on achète, connaître l’impact de nos mobilités et de notre alimentation, comprendre l’origine des émissions de CO2 générées par nos vêtements ou notre smartphone, … il y a beaucoup à apprendre. Objectif, donc : informer, décrypter, expliquer, raconter, illustrer, etc. pour que se mettre en action nous semble ensuite plus accessible et facile. Pour cela, les connaissances doivent cependant atteindre tout le monde, préviennent les spécialistes de la transition, et c’est un vrai défi. Citoyen.nes des villes et des périphéries ; jeunes et moins jeunes ; député•es nationaux et élu•es locaux ; chef•fes de grandes entreprises, patron•nes de PME et artisan•es ; pôles logistiques et ressources humaines ; institutions et associations… Il s’agit d’embarquer tout le monde, toute une société, grâce à l’information, la formation et l’accompagnement.

Créer des outils et des lieux où se retrouver

L’inaction climatique redoute une ennemie bien identifiée : l’éducation. Pour casser notre fameux triangle, la diffusion des connaissances est donc le plus efficace des remèdes. Découvrir le cycle de vie des biens que l’on produit ou que l’on achète, connaître l’impact de nos mobilités et de notre alimentation, comprendre l’origine des émissions de CO2 générées par nos vêtements ou notre smartphone… il y a beaucoup à apprendre.

Objectif, donc : informer, décrypter, expliquer, raconter, illustrer, etc. pour que se mettre en action nous semble ensuite plus accessible et facile. Pour cela, les connaissances doivent cependant atteindre tout le monde, préviennent les spécialistes de la transition, et c’est un vrai défi. Citoyen•nes des villes et des périphéries ; jeunes et moins jeunes ; député•es nationaux et élu•es locaux ; chef•fes de grandes entreprises, patron.nes de PME et artisan•es ; pôles logistique et ressources humaines ; institutions et associations… Il s’agit d’embarquer tout le monde, toute une société, grâce à l’information, la formation et l’accompagnement.

Sortir de l’inaction est aussi une œuvre collective. Il faut, dès lors, pouvoir se réunir. D’où l’importance d’inventer et de nourrir des dispositifs où les trois angles du triangle pourront se retrouver et coopérer. Ateliers, plateformes collaboratives, collectifs citoyens, réseaux professionnels… les formats et supports possibles sont nombreux. Voici quelques exemples de dispositifs en pointe sur ce sujet :
- la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC)
Cet outil de démocratie participative consiste à réunir un panel de citoyen•nes tiré.es au sort, qui vont s’informer, échanger et construire ensemble des recommandations pour la collectivité. Une Convention Citoyenne respecte en général trois temps : la formation des publics (ici sur le climat), l’intervention active (qui permet d’interroger les enjeux et les acteurs impliqués), et le positionnement collectif (le groupe rend son ou ses avis). La Convention Citoyenne pour le Climat peut être organisée au niveau national ou local. Ainsi, en France, plusieurs territoires ont lancé une telle initiative, comme la métropole de Grenoble ou la région Occitanie.

- la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC)
La Convention des Entreprises pour le Climat est une association fondée en 2020 en France pour « rendre irrésistible la bascule d’une économie extractive vers une économie régénérative d'ici à 2030 ». Sa mission est similaire à celle de la Fresque du Climat, mais adaptée à un public précis : les décideurs économiques. En 2024, plus de 1 000 entreprises étaient déjà engagées dans la démarche.

Actions individuelles : elles ne suffiront pas… mais sont indispensables

Nous nous situons toutes et tous, a minima, sur l’une des pointes du triangle : celle qui figure les individus. Celle, aussi, qui rejette sur les entreprises et sur l’État la responsabilité… Or, nous rappelle Carbone 4, institut expert de la transition écologique, les gestes individuels ont un impact décisif pour le climat. Carbone 4 a même tenté de chiffrer leur part raisonnable dans l’effort global à effectuer pour sauvegarder le climat. Verdict : ils pourraient compter pour 1/4 de cet effort global.

Les 3/4 restants devront en effet être collectifs pour décarboner nos systèmes (industriel, agricole, énergétique, etc.). Autrement dit, nos gestes individuels ne suffiront pas, mais c’est une évidence : on n’y arrivera pas sans eux.

Reste à déterminer l'impact des (bonnes) actions individuelles, celles qui pèseront vraiment sur la réduction de nos émissions de GES. Un consensus scientifique existe désormais sur les solutions les plus efficaces. Certaines concernent un simple changement de comportement, d’autres relèvent d’un investissement qui dépend forcément des moyens économiques. En voici quelques-unes :

- adopter un régime végétal ou faiblement carné. On estime par exemple que passer à un régime végétarien permet de baisser de près de 10 % l’empreinte carbone totale d’un individu ;

- acheter local, reconditionné ou d’occasion, privilégier l'économie circulaire ;

- limiter les voyages en avion ;

- investir dans la rénovation thermique de son logement ;

- privilégier la mobilité douce ;

- changer de chaudière.

L’empreinte carbone moyenne des Français•es s’élevait en 2022 à 9,2 tonnes d'équivalent (téq) CO2. Pour respecter l’Accord de Paris, elles devront baisser de près de 80 % d'ici à 2050, et atteindre 2 tonnes de CO2 par an et par personne.

Dans le monde, la moyenne est de 5 tonnes par habitant•e, mais avec de grosses disparités géographiques... Quand l'Afrique subharienne eest sous la barre d'1 tonne / an et par habitant•e, quand les États-Unis et le Canada, tourne autour de 15 tonnes / an / habitant•e.

Ainsi, peu importe, des individus, des entreprises ou des gouvernements, qui enclenche un triangle aux conséquences plus bénéfiques, réduire les inégalités est urgent.

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