Parce que la réparabilité, c'est le futur de l'humanité ! D’accord, on exagère peut-être un peu, mais pas tant que ça, vous allez voir.
Le sort que l’on réserve à nos biens de consommation fait partie intégrante de l’équation à résoudre pour bâtir un monde durable. Plus précisément, il est grand temps de réapprendre une pratique aussi noble qu’utile, et que nous avions un peu oubliée : l’art de réparer nos amis les objets.
Ce n’est plus un scoop, la crise écologique systémique que nous sommes en train de vivre nous oblige à revoir nos modes de vie et de consommation. Sur une planète qui n’en finit plus de dépasser ses limites (c'est le principe des limites planétaires), l’heure est en effet à l’économie des ressources, et à l’arrêt du grand gâchis... Dans ce contexte, une notion est appelée à devenir centrale dans notre vie matérielle et quotidienne : la réparabilité.
Cette pratique, vous l’aurez compris, n’est pas vraiment une invention contemporaine… C’est plutôt le comeback de ce qui était, il y a quelques décennies encore, une question de pur bon sens : lorsqu’on casse quelque chose, hé béh, on le répare ! Une évidence que nos sociétés modernes se sont pourtant mises à oublier, au profit de nouveaux et vilains réflexes : objet cassé = objet jeté et racheté neuf. Une logique devenue intenable aujourd’hui, et qui ouvre donc la voie au retour du bon vieux pragmatisme d’avant, et au soin accordé aux objets. Côté définition, la notion de réparabilité n’a rien de bien mystérieux. Un objet réparable est ainsi un objet dont on peut prolonger la durée de vie en remplaçant ou en réparant une ou plusieurs pièces.
Elle s’oppose à une autre notion, très commentée et pointée du doigt depuis quelque temps : l’obsolescence programmée, qui décrit une manière de concevoir des produits à durée de vie limitée, obligeant les consommateurs à les racheter régulièrement.
Avec la réparabilité, à l’inverse, on s’inscrit dans une logique vertueuse et sobre, celle de l’économie circulaire. Ou comment sortir du schéma linéaire produire > consommer > jeter pour revenir à des dynamiques économes en ressources et matières premières : produire > utiliser > réparer (ou recycler) > réutiliser.
Se (re)mettre à réparer les objets qui peuplent notre quotidien n’a littéralement que des avantages.
Citons ici les principaux…
- pour le consommateur, la réparation permet évidemment d’économiser des sous. Au lieu de racheter un produit neuf, il réinvestit une somme moindre pour obtenir, in fine, un service identique (l’utilisation du produit). Simple et efficace !
- pour l’environnement, le bénéfice est radical. Un objet réparé, c’est un objet de moins à produire. Et des déchets en moins à traiter. Soit autant d’électricité, d’eau, de carburant et de matières premières épargnées… De quoi réduire radicalement son empreinte écologique.
- pour le producteur, la réparabilité a aussi des vertus. En plus d’atténuer sa propre empreinte écologique, elle lui permet d’éviter des coûts évitables, comme ceux générés par le remplacement des produits en panne ou cassés. Il est plus pertinent économiquement de remplacer le zip défectueux d’un sac plutôt que le sac tout entier.
- on peut ajouter, pour la communauté, que les pratiques de réparation font émerger et/ou renforcent les liens sociaux. Fablabs, repair cafés, ateliers de réparation en magasin, … les lieux dédiés se multiplient en France, offrant autant d’occasions de se rencontrer, de partager des savoir-faire et des solutions collaboratives.
- pour l’économie, enfin, la réparabilité permet la création de filières locales et d’emplois non délocalisables. Car réparer son vélo ou le zip de son sac, ça reste plus simple au coin de la rue qu’à l’autre bout du monde…
La réparabilité a fait une entrée remarquée dans la législation française grâce à l’adoption, en 2020, de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (la loi « Agec », dont on a déjà pu vous parler ici d'ailleurs). La réparabilité y est développée dans le chapitre « Agir contre l'obsolescence programmée ».
Que faut-il en retenir ? D’abord, que la loi a créé un outil inédit : un Indice de réparabilité.
Élaboré par l’ADEME, il permet d’informer le futur consommateur du degré de réparabilité du produit qu’il s’apprête à acheter, via une note de 0 à 10. Une note qui répond à un ensemble de 5 critères :
1. La facilité de démontage du produit.
2. La disponibilité des pièces détachées.
3. Le prix de la réparation.
4. La disponibilité de la documentation technique.
5. Et des critères spécifiques liés aux types de produit (par ex. : la présence d’un compteur d’usage).
À noter que cet Indice de réparabilité (appelé à devenir, dès 2024, un "indice de durabilité") ne s’applique qu’à une catégorie précise de produits électriques et électroniques. À savoir : smartphones, ordinateurs portables, téléviseurs, tondeuses à gazon, aspirateurs ou encore lave-linge.
La loi pousse toutefois d’autres secteurs à agir. Par exemple, depuis 2022, les acteurs de la filière « articles de sport et de loisirs » (en d’autres termes… nous !) doivent financer, via leurs éco-organismes, des fonds de réparation. Ceux-ci serviront à des campagnes de sensibilisation mais aussi à faire baisser les coûts de réparation.
Dernière avancée promue par cette fameuse loi : le recours plus systématique à l’impression 3D pour remplacer les pièces détachées non-disponibles.
DECATHLON a inscrit l’objectif de réparabilité noir sur blanc dans ses statuts. Des engagements chiffrés
ont d’ailleurs été pris. Première étape ? Que 30% des produits soient réparables en 2026. Et que 100% de ces produits réparables soient effectivement réparés lorsque nécessaire.
« L’attention apportée à la réparabilité n’est en soi pas nouvelle chez DECATHLON, rappelle Julie Soulignac, cheffe de projet développement durable réparabilité. Certains sports, pionniers, travaillent en effet sur ces enjeux depuis longtemps, à l’instar de la marque Itiwit, pour les sports de pagaie, stand-up paddle ou le kayak ». De même, le développement de l’écoconception a boosté cette nouvelle exigence. La réparabilité est en effet l’un des critères de l’écoconception. La règle veut qu’un produit est écoconçu réparable si au moins 80% des casses et pannes identifiées pour ce produit ont une solution de réparation.
Reste à généraliser la démarche. Pour ce faire, DECATHLON s’est inspiré de l’indice développé par l’ADEME et a créé en interne son propre référentiel. « Nous avons repris les 4 premiers critères (démontabilité, disponibilité des pièces, prix, documentation) pour construire un système d’évaluation, qu’on teste depuis 2 ans sur nos produits ».
C’est, on l’imagine, un long processus. « Il s’agit de systématiser progressivement cette nouvelle méthode d'évaluation, puis d'en tirer ce qu'on appelle chez nous les ‘Decathlon Conception Rules’ (DCR), les règles qui régissent la conception de tous nos produits. On espère à terme généraliser les bonnes pratiques en conception pour rendre nos produits le plus facilement réparables possible. C’est un gros travail d’implémentation qui prend forcément un peu de temps ! »
Pour y parvenir, le métier de « leader réparabilité » se développe. Ses missions ? Analyser l’offre, organiser la mise à disposition des pièces détachées, accompagner la création de tutos de réparation, et mettre en musique le travail des différentes équipes mobilisées.